La théorie polyvagale, développée par le neuroscientifique Dr Stephen Porges, offre un cadre pour comprendre le fonctionnement du système nerveux autonome et son impact sur nos réponses physiologiques, émotionnelles et comportementales (Porges, 2022). Pour expliquer cette théorie de manière approfondie, nous devons d'abord comprendre le fonctionnement du système nerveux autonome (SNA). Le SNA est organisé en deux volets : sympathique et parasympathique. Le système nerveux sympathique gère principalement les fonctions de survie, stress et sexe, tandis que le système nerveux parasympathique gère principalement les fonctions de détente/digestion. Ce n'est pas un modèle binaire ; notre corps oscille entre ces deux systèmes en différentes proportions au cours de la journée.
Ce dernier a développé le concept de la neuroception (Porges, 2004). La neuroception est un système subconscient qui détecte la sécurité et le danger. Ce processus est permanent, continu et en temps réel. En ce sens, votre système nerveux mesure de façon continue son sentiment de sécurité face aux dangers environnants. En fonction de cette mesure, votre système oscillera dans un état sympathique ou parasympathique.
Pour faire une image, si vous vous faites pourchasser par un lion dans la jungle, vous tomberez en mode sympathique. Votre flux sanguin et votre énergie doivent être dirigés vers le cœur, les poumons ainsi que la musculature afin de vous enfuir ou de combattre l'animal. En contrepartie, votre digestion sera diminuée puisque ce n'est pas une priorité. C’est la balance de votre mode survie versus mode détente.
Le nerf vague est la principale composante du système nerveux parasympathique. Il joue un rôle crucial dans la régulation des organes internes, mais il a également des implications pour notre bien-être émotionnel et social. Selon la théorie polyvagale, le nerf vague est impliqué dans la modulation de nos réponses au stress et dans la régulation de nos interactions sociales.
L'une des contributions les plus importantes de la théorie polyvagale est sa proposition de trois états neurophysiologiques différents (Porges, 2009), chacun étant associé à une branche spécifique du nerf vague :
L'état de sécurité : Dans cet état, la branche ventrale du nerf vague est activée, favorisant la connexion sociale, la détente et la régulation des émotions. Lorsque nous sommes dans un état de sécurité, nous sommes ouverts à l'interaction sociale, nous ressentons de l'empathie et nous nous sentons en paix.
L'état d'activation sympathique : Dans cet état, le système nerveux sympathique est activé en réponse à une menace perçue. Cela déclenche la « réponse de lutte ou de fuite », préparant notre corps à affronter ou à fuir le danger. Les symptômes de cet état incluent l'augmentation de la fréquence cardiaque, la respiration accélérée et la tension musculaire.
L'état d'immobilisation : Cet état est associé à l'activation de la branche dorsale du nerf vague. Lorsque nous nous sentons impuissants ou submergés par une menace, notre système nerveux peut nous amener à nous figer, comme dans une réponse de « mort apparente ». Cela peut se manifester par une diminution de la fréquence cardiaque, une diminution de la tension musculaire et une sensation de dissociation.
En clinique, nous observons qu'une grande partie des gens souffrant de maux chroniques sont constamment dans les états 2 et 3. Que se passe-t-il dans votre corps lorsque vous êtes dans un état d'activation sympathique prolongée ? Votre corps est dans un mécanisme de survie. Cela entraîne une activation notable de la musculature de la mâchoire (serrement/bruxisme) et de l'ensemble de la musculature (se sentir tendu), une respiration cervico-thoracique, la mise sur 'pause' du système digestif, un sentiment d'hypervigilance, un sommeil non-récupérateur, etc.
L’impact sur le système respiratoire est majeur. Dans un état de détente, la respiration est principalement abdominale et sous-diaphragmatique (dans le ventre). Par contre, dans un état de survie, la respiration doit être maximale pour aller chercher le plus d'oxygène possible. Penser à faire un sprint à la course, vous irez chercher une énorme respiration thoracique haute et un engagement de la musculature du cou. Par contre, ce système ne doit pas être utilisé de façon chronique, ce n’est pas un système très endurant, c’est un mode de survie. Ainsi, la musculature deviendra tendue assez rapidement. En clinique, on l’observe beaucoup chez les personnes ayant des poings dans le dos, douleur inter-costale, douleur entre les omoplates ainsi que douleur cervicale. En d'autres termes, si vous souffrez de problématiques chroniques, il est important de considérer votre respiration et l'état global de votre système!
Qu’est-ce qui peut influencer la perte du sentiment de sécurité ? Plusieurs facteurs contribuent à cela, les principaux sont : trauma non-résolu, stress chronique, stress biochimique (alimentation inadéquate, gestion de la glycémie), isolement social, etc.
Comment pouvez-vous travailler sur ce sentiment de sécurité au quotidien ?
-Journal de gratitude (Smyth et al., 2018; Kini et al., 2016)
-Respiration abdominale profonde (cohérence cardiaque, méditation, pleine conscience, etc.) (Jerath et al., 2006)
La thérapie manuelle a un effet incertain sur le système nerveux autonome (Roura et al., 2021). Par contre, votre ostéopathe peut utiliser différentes techniques de respiration spécifiques pouvant influencer la physiologie de votre système (Monti et al., 2017). C'est pourquoi il est important de se questionner lorsque les séances n'apportent pas les résultats escomptés... Parfois le problème est ailleurs ! À méditer.
Passez-nous voir à la clinique!
Référence
Porges S. W. (2022). Polyvagal Theory: A Science of Safety. Frontiers in integrative neuroscience, 16, 871227. https://doi.org/10.3389/fnint.2022.871227
Porges, Stephen. (2004). Neuroception: A Subconscious System for Detecting Threats and Safety. ZERO TO THREE. 24.
Porges S. W. (2009). The polyvagal theory: new insights into adaptive reactions of the autonomic nervous system. Cleveland Clinic journal of medicine, 76 Suppl 2(Suppl 2), S86–S90. https://doi.org/10.3949/ccjm.76.s2.17
Smyth, J. M., Johnson, J. A., Auer, B. J., Lehman, E., Talamo, G., & Sciamanna, C. N. (2018). Online Positive Affect Journaling in the Improvement of Mental Distress and Well-Being in General Medical Patients With Elevated Anxiety Symptoms: A Preliminary Randomized Controlled Trial. JMIR mental health, 5(4), e11290. https://doi.org/10.2196/11290
Kini, P., Wong, J., McInnis, S., Gabana, N., & Brown, J. W. (2016). The effects of gratitude expression on neural activity. NeuroImage, 128, 1–10. https://doi.org/10.1016/j.neuroimage.2015.12.040
Jerath, R., Edry, J. W., Barnes, V. A., & Jerath, V. (2006). Physiology of long pranayamic breathing: neural respiratory elements may provide a mechanism that explains how slow deep breathing shifts the autonomic nervous system. Medical hypotheses, 67(3), 566–571. https://doi.org/10.1016/j.mehy.2006.02.042
Roura, S., Álvarez, G., Solà, I., & Cerritelli, F. (2021). Do manual therapies have a specific autonomic effect? An overview of systematic reviews. PloS one, 16(12), e0260642. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0260642
Monti, D. A., Tobia, A., Stoner, M., Wintering, N., Matthews, M., He, X. S., Doucet, G., Chervoneva, I., Tracy, J. I., & Newberg, A. B. (2017). Neuro emotional technique effects on brain physiology in cancer patients with traumatic stress symptoms: preliminary findings. Journal of cancer survivorship : research and practice, 11(4), 438–446. https://doi.org/10.1007/s11764-017-0601-8
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