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Hypnose et olfaction: avenues thérapeutiques en contexte de PTSD, douleurs chroniques et plus !

  • drouinosteopathie
  • il y a 4 jours
  • 5 min de lecture

1. Introduction à l’hypnose

L'hypnose est une pratique qui mobilise une modification volontaire de l’attention, de la conscience et de la suggestibilité, souvent accompagnée d’un état de relaxation profond (Bioy et Bachelart, 2013). Des revues systématiques montrent que l’analgésie hypnotique produit des réductions de la douleur supérieures à celles de l’absence de traitement ou de certaines interventions non hypnotiques (Stoelb et al., 2009).

Sur le plan neurophysiologique, l’hypnose engage des réseaux cérébraux complexes : des études en neuroimagerie (fMRI) et en électrophysiologie ont montré que l’hypnose modifie l’activité dans le cortex cingulaire antérieur (ACC), l’insula, le thalamus, le cortex somatosensoriel, ainsi que le tronc cérébral via le PAG (l’aire périaqueducale) (Pascalis et Benedittis, 2025). Ces régions sont impliquées à la fois dans la perception de la douleur (dimension sensorielle) et dans son évaluation émotionnelle (dimension affective), ce qui explique comment l’hypnose peut moduler tant l’intensité que l’inconfort émotionnel de la douleur.


2. Mécanismes neurophysiologiques du PTSD et de la douleur

Le PTSD est caractérisé par des mémoires traumatiques intrusives, l’anxiété, la dissociation ou des flashbacks souvent déclenchés par des stimuli sensoriels (sons, images, parfois odeurs). Ces symptômes sont liés à une hyperactivité du système limbique, notamment de l’amygdale et de l’hippocampe, et à une altération des circuits de régulation émotionnelle (préfrontal, cingulaire) (Ressler et al., 2022) . Lorsqu’un individu revit un souvenir traumatique, l'activation de ces circuits peut provoquer une forte réponse émotionnelle.

Dans la douleur chronique, des processus similaires sont à l’œuvre : au-delà de la nociception, il y a une composante affective et mémorielle. L’amgygdale souffre également d’un désiquilibre chez les patients douloureux chroniques (Thompson et Neugebauer 2017). Des suggestions hypnotiques peuvent activer des mécanismes endogènes d’analgésie (descendante) via le PAG et d’autres structures, remodulant la perception nociceptive et l’évaluation émotionnelle de la douleur. En effet, la réactivité hypnotique (hypnotizabilité) joue un rôle : chez les individus très hypnotisables, l’hypnose diminue non seulement la sensation de douleur mais aussi l’activation émotionnelle.

La théorie sociocognitive de l’hypnose propose que des attentes (expectancy) et le contexte jouent un rôle-clé dans l’effet analgésique (Kekecs et al., 2024).


3. Rôle de l’olfaction dans les émotions et la mémoire

L’olfaction possède une place unique dans la neurophysiologie, car les récepteurs olfactifs projettent directement vers le bulbe olfactif, puis vers des structures limbiques (amygdale, hippocampe), sans passer par le thalamus, ce qui lui confère un accès privilégié aux émotions et à la mémoire. Cette voie rapide rend les odeurs particulièrement efficaces pour évoquer des états émotionnels puissants et des souvenirs. Des recherches contemporaines montrent que l’odeur peut être un cue émotionnel très fort, capable d’évoquer des souvenirs autobiographiques et de moduler l’humeur (Khan et al., cités dans “The Power of Odor Persuasion”, 2021). Dans le contexte thérapeutique, cela devient un mécanisme utile pour créer des ancrages émotionnels via des odeurs associées à des états internes protégés (sécurité, contrôle). Ces ancrages fonctionnent sous le principe du conditionnement. Tout le monde connaît l’expérience du chien de Pavlov. Cette expérience classique en psychologie démontre l’idée que lorsque deux phénomènes se produisent en même temps (un son de cloche + la nourriture), le cerveau peut rapidement associer les deux alors que ces derniers ne sont pas reliés en soi, ils ne sont que simultanés. En ce sens, il est possible d’utiliser ce phénomène qu’est le conditionnement au service de l’hypnothérapie pour la gestion des symptômes post-traumatiques et de la réduction de la douleur.


Hypnothérapie + olfaction : la technique du HOC (Hypnotherapeutic Olfactory Conditioning)

Abramowitz & Lichtenberg (2009) ont mis au point une technique clinique nommé Hypnotherapeutic Olfactory Conditioning (HOC), soit le conditionnement hypnotique olfactif. Ce concept se veut utiliser des odeurs agréables pendant la transe hypnotique pour créer une association (conditionnement) avec des sentiments de sécurité et de maîtrise. Dans leur différents travaux, ils ont mis à l’épreuve cette technique pour la gestion des phobies, des trouble de panique et du PTSD. Ils montrent qu’après l’ancrage olfactif sous hypnose, les patients peuvent activer ce sentiment de contrôle lorsqu’ils sont exposés à des stimuli anxiogènes ou traumatiques. Toujours selon les auteurs, cette technique facilite la gestion de l’anxiété et des états dissociatifs.

Dans une étude subséquente, Abramowitz & Lichtenberg (2010) ont appliqué cette technique dans une étude prospective ouverte auprès de 36 vétérans souffrant de PTSD chronique induit par l’odorat (flashbacks olfactifs). Ils ont réalisé six séances d’hypnose et ont observé des réductions significatives au score sur l’Impact of Event Scale révisé (IES-R) ainsi que sur d’autres mesures psychologiques.

Bubenzer & Huang (2014) ont aussi étudié l’usage d’une suggestion post-hypnotique olfactive afin de gérer la douleur. Dans leur article “Posthypnotic Use of Olfactory Stimulus for Pain Management” publié dans International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, ils rapportent que pour les patients, une fois l’utilisation de l’ancrage olfactif sous hypnose, le simple de fait de sentir l’odeur spécifique post-hypnotique réduit la douleur chronique.

En effet, l’avantage de s’appuyer sur le sens olfactif réside dans l’idée que l’odorat, sens très archaïque, est étroitement lié aux émotions et influence les comportements (Candau, 2015). Lors de la stimulation par l’odorat, l’amygdale et l’hippocampe sont activés (les zones dont nous avons discuté ci-haut : impliquées et suractivées par le traumatisme, jouant un rôle essentiel dans le traitement des émotions, de la peur et dans le stockage des souvenirs). Toujours selon Abramowitz (2009; 2010), les odeurs associées à des expériences émotionnelles sont gravées dans la mémoire. Par le fait même, cette réponse émotionnelle intense peut être employée à des fins thérapeutiques. La clé et l’intérêt principal résident dans la phrase suivante : les messages olfactifs induisent un traitement des informations plus direct, sans passer par le retravail du néocortex comme pour les autres sens – tels que la vue, qui est plus intellectualisée. Pour faire une image : cela signifie que l’olfaction déjoue notre cerveau rationnel, celui-ci n’interfère pas dans notre réaction à une odeur. En ce sens, sentir une odeur spécifique stimule directement un état émotionnel. Concrètement, le patient qui souffre d’une douleur ou d’anxiété peut donc stimuler un état différent instantanément en activant son ancrage olfactif, préalablement construit avec son hypnothérapeute.


Intérêt et bénéfices cliniques de l’ancrage olfactif via hypnose

L’association de l’olfaction et de l’hypnose offre plusieurs avantages cliniques :

  1. Puissant accès émotionnel : L’odeur impacte directement les structures limbique, ce qui rend l’ancrage plus “profond” que des ancrages purement visuels ou auditifs. L’odorat est décrit comme un puissant catalyseur d’état émotionnel (Herz 2016)

  2. Réactivation contrôlée : Via la technique HOC, le patient peut rappeler l’état hypnotique (sécurité, contrôle) en sentant l’odeur, y compris dans des situations de crise (anxiété, déclencheurs traumatiques).

  3. Gestion de la douleur : Comme le suggèrent Bubenzer & Huang, l’odeur post-hypnotique peut servir de “cue” analgésique. Cela peut réduire la douleur sans médication, en particulier pour les conditions chroniques résistantes.

  4. Durabilité : Une fois l’ancrage bien établi, il peut être utilisé à long terme par le patient (auto-activation de l’odeur + autohypnose ou auto-rappel).

  5. Individualisation : Le choix de l’odeur peut être personnalisé selon les préférences du client, ce qui renforce l’engagement et la signification personnelle de l’ancrage.


L’usage combiné de l’hypnose et de l’olfaction representa une intervention innovante avec une assise théorique solide. Grâce à la technique HOC d’Abramowitz & Lichtenberg et aux données de Bubenzer & Huang sur la douleur, on dispose d’un modèle clinique utile pour l’ancrage émotionnel profond et la régulation somato-émotionnelle.

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